La Ville

 Titre complet : « La Ville » comme objet interdisciplinaire d’apprentissage dans le 1er degré.

Responsable :Magali Hardouin (MCF) : magali.hardouin@espe-bretagne.fr

Retrouvez une le rapport complet de la recherche

 

Le travail interdisciplinaire que nous avons mené de 2010 à 2011 a porté sur l’objet « ville » qui, pour la géographie, est à la fois un objet et un concept.

Origine du projet

Cette recherche a émergé suite à la lecture d’un article d’Anne Bouchut :

« Aujourd’hui, selon les études de l’INSEE, plus de 4 Français sur 5 vivent dans les villes ou dans leur voisinage. C’est dire que la majorité des enfants vivent en ville ou dans des espaces urbains.

Or le développement urbain a engendré de multiples problèmes (extension, utilisation du sol, prix, approvisionnement, concentration des services, infrastructures…), qui vont pour certains, jusqu’à mettre en péril notre milieu (pollution de l’air, prolifération des déchets…). Ces problèmes interpellent le citoyen d’aujourd’hui, et interpelleront le citoyen de demain.

C’est dire la nécessité pour les enfants de mieux connaître cet espace urbain, de l’expliquer à travers sa fonction et son évolution marquée par l’intervention des hommes. Aussi le géographe et l’enseignant ne peuvent-ils que ressentir la nécessité de s’interroger sur la ville et l’espace urbain pour les analyser et les comprendre ainsi que sur les moyens de faire connaître aux jeunes générations le lieu où ils vivent ou vivront, afin de bien le gérer. Et cela, en tenant compte à la fois des aptitudes et des attentes des élèves. La tâche peut sembler ardue. En effet, une étude même superficielle de la ville laisse très vite apparaître sa multiplicité et sa complexité. Doit-on pour cela la négliger?

Nous retrouvons là le rôle éminent de l’École Élémentaire, celui de permettre à l’enfant d’appréhender le monde dans lequel il vit et sur lequel – citoyen en devenir– il pourra agir en personne libre et responsable.

La ville comme objet d’enseignement apparaît donc bien comme un sujet essentiel qui doit ou devrait s’inscrire largement dans l’enseignement de la géographie dès l’école élémentaire. » (Bouchut, 2006)

Par cette recherche, nous avons également cherché à pallier la faible part d’enseignement de la géographie, à la fois pour les futurs enseignants en formation initiale et pour les élèves de l’école primaire, en utilisant d’autres disciplines qui disposent d’un nombre d’heures d’enseignement plus important.

La ville, un objet phare dans les disciplines scientifiques mobilisées par le projet

Que ce soit dans le cadre de la littérature générale ou dans celui de la littérature de jeunesse, la question de l’espace dans le récit est essentielle pour plusieurs raisons. D’abord, il est rare qu’une histoire se prive totalement de lieux qui servent d’environnement aux actions. Mais au-delà d’un simple décor, l’espace s’articule au temps de la narration et organise très souvent la lisibilité des étapes d’une histoire, au moyen de configurations variables selon les genres. Plus encore, l’espace participe au développement de l’imaginaire de l’enfant en lui offrant, grâce à la fiction, des géographies symboliques qui répondent aux questions qu’il se pose sur lui-même et sur le monde. Plus qu’un décor, l’espace est lié en profondeur à la construction de l’identité individuelle et sociale du jeune lecteur. Dès lors, plusieurs questions méritent d’être adressées aux œuvres de la littérature de jeunesse, qui concernent « l’espace » (une composante abstraite) et « la ville » (un thème traditionnel de la littérature), sur les plans à la fois imaginaire et intellectuel :

1)      Comment un jeune lecteur comprend-il et interprète-t-il l’espace ?

Si le rôle des connaissances relatives à l’univers quotidien de l’enfant mérite d’être pris en compte dans certains cas, comme dans les fictions s’appuyant sur les lieux intimes et familiers (la maison, le jardin, l’école, la chambre), il faut sans doute y ajouter des connaissances de nature discursive (une compétence idéologique à lire la valeur des lieux et leurs symboles, ex : comprendre le sens de La Statue de la Liberté ou de la colonne Vendôme), des compétences de nature textuelle et linguistique (des capacités à établir des liens logico-sémantiques entre des lieux, des personnages, des évènements qui font système et dont l’unité n’est pas évidente), des connaissances portant sur les genres littéraires (l’espace au théâtre n’est pas l’espace dans la poésie, l’espace dans le polar n’est pas l’espace du récit d’aventures etc.).

Il paraît important, notamment, de consacrer une part de l’analyse à l’espace dans l’album, avec une perspective qui confronte des « intentions d’espace » chez l’auteur (choix graphiques et plastiques des illustrations) et des « effets d’espace » sur le jeune lecteur, produits par les interactions du texte et de l’image. Au-delà d’un simple « thème », l’espace est souvent ce qui structure une fiction à plusieurs niveaux, selon des rapports que l’élève doit inférer. En faire un objet d’apprentissage contribue donc certainement à améliorer globalement la lecture et l’écriture, à mieux saisir « l’atmosphère d’un texte » comme le réclament les Programmes de 2008, ou à mieux esquisser le portrait d’un personnage (l’habitat et l’habit trahissent souvent l’habitant).

Dans cette démarche, il faudrait tenir compte des étapes du développement psychologique. Depuis les travaux de Piaget dans les années 60, nombreuses sont les études psycho-cognitives qui ont abordé l’appropriation de l’espace (topologique, topographique, métrique…) chez l’enfant et le jeune lecteur.

2)      Comment la lecture de l’espace peut-elle développer des apprentissages littéraires et transversaux ?

Si « l’espace à décrypter » dans une œuvre réclame des compétences, il peut, inversement, contribuer à en développer. A plusieurs niveaux, la spatialité s’avère constructrice :

-En lecture / écriture : comment la « mise en espace » d’un projet de lecture ou d’écriture (schéma, dessin, organigramme, carte…) peut-elle aider à la conceptualisation et à la révision d’une rédaction ou d’une interprétation ? Comment l’espace permet-il d’enrichir le lexique des émotions et des perceptions spatiales ? Comment le récit prend-il sens au moyen d’un langage spatial qui intègre des oppositions (le réel / l’irréel, l’ouvert / le fermé, le culturel / le naturel), des parcours (les seuils, les frontières, les passages), des valeurs (euphorique / dysphorique ; riche / pauvre, cœur urbain / banlieue…).

-En EPS : comment l’espace dans le récit aide-t-il l’élève à construire un parcours, à se déplacer, se repérer, décrire une position, anticiper un mouvement, se positionner et se latéraliser dans l’espace selon un repérage relatif ou absolu ? La littérature de jeunesse peut-elle contribuer à développer des représentations du corps ?

-En culture artistique : comment la littérature de jeunesse peut-elle développer un « imaginaire de l’espace », celui de la ville en particulier (dépaysement, exotisme, multicultures ?) Littérature et arts peuvent contribuer à construire le regard de l’élève afin de lire le paysage urbain au moyen de l’art, donc, de la mémoire des textes et des images qui le concernent. Car l’imaginaire urbain est aussi un rapport au temps historique : guerre, exode, transformations, grands travaux, etc. La ville s’apparente à un récit, à un palimpseste même, qui réclame le regard de l’historien et les fouilles de l’archéologue (vestiges, monuments, cartographie ancienne, patrimoine divers) qui donnent à lire le feuilleté de l’histoire urbaine, ses sédimentations successives au cours des siècles. Comment la littérature de jeunesse s’empare-t-elle alors des thèmes traditionnels de la « nostalgie » urbaine et de la « flânerie » (Baudelaire), de « l’étrange, de l’étranger de l’étrangeté », ou du projet plus documentaire des écrivains réalistes, habitués aux enquêtes sociales et ethnographiques dans les quartiers de Paris, comme Zola ? Quelles transpositions didactiques de ces récits urbains qui montrent comment un écrivain s’approprie sa ville ?

-En éducation à la citoyenneté : en plus d’être un carrefour disciplinaire, la ville est un carrefour idéologique qui associe des questions touchant le respect de l’environnement (déchets, pollution…), la justice sociale (SDF, sans-abri…), la démocratie (la vie de la cité)… Les médiations artistiques, notamment la littérature de jeunesse, peuvent aider à aborder l’espace urbain selon ces problématiques relatives au « droit à la ville ».

– En géographie : comme le précise A.Bouchut (2006), on considère l’ensemble des repères spatiaux. Il s’agit d’observer le paysage urbain à travers un vécu, une perception, un référent culturel. On retrouve explicitement le souci d’une géographie de la ville permettant de penser l’espace urbain afin de mieux l’appréhender, de s’y intégrer et d’y agir. L’enseignement de la géographie suppose un usage rigoureux et argumenté de la description, de l’analyse et de la synthèse. L’entrée par les paysages ne peut être dissociée de la lecture des cartes thématiques susceptibles de donner du sens.

 

Objectif du projet

Comment donner du sens aux apprentissages grâce à l’interdisciplinarité[1] au travers de l’objet « ville » ? C’est cette question qui a animé notre groupe pendant ces trois ans. Nous présenterons prochainement sur le site didagéo http://didageo.blogspot.fr/ des productions issues de nos formations espérant donner des idées pour des pratiques de classe.

 


[1] Nous entendons l’interdisciplinarité comme « un type d’organisation des activités pédagogiques ayant pour but l’adjonction de différentes matières sollicitées à partir d’un thème d’étude pour faire aboutir un projet » (Valzan, 2003).

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